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Le gallicanaute des naines brunes et noires

Le gallicanaute des naines brunes et noires

(Cabinet de curiosités littéraires)


Confessions d'un poseur de lapins (1888) - Baron de Chésylvain.

Publié par Jérôme Nodenot sur 1 Février 2022, 20:26pm

Catégories : #Naines brunes

Poser un lapin au XIXème siècle n'avait pas la même signification qu'aujourd'hui. Il s'agissait, pour un homme, de profiter des faveurs d'une femme "de petite vertu" sans lui payer son dû correctement. Pour en savoir davantage, rendez-vous par exemple ici : https://www.projet-voltaire.fr/origines/expression-poser-un-lapin/, ou bien lisons le baron de Chésylvain en personne qui nous explique l'origine de l'expression : une certaine Léonide Leblanc, ressentant le besoin de "taper quelqu'un", demande par correspondance une aide pécuniaire à un artiste peintre ; celui-ci, alors qu'elle attend de l'argent, lui fait livrer un lapin en lui laissant un mot (page 12) :

Confessions d'un poseur de lapins (1888) - Baron de Chésylvain.

Camille-Hercule-Tiburce-Agénor, baron de Chésylvain, était d'après ses dires un fin connaisseur des courtisanes, et, si l'on en croit sa bibliographie (qui se résume à ce seul ouvrage, celui-là même que nous avons sous les yeux), il est possible de le penser : il n'était pas un écrivain (mais il savait écrire, et semblait très cultivé) ; il avait simplement ressenti l'envie de parler d'un sujet qu'il connaissait mieux que personne. Et notamment... pour démontrer l'invraisemblance d'un roman paru quelques années auparavant et qui connut un succès considérable : "Nana" d'Émile Zola ! Voir page 7 :

Confessions d'un poseur de lapins (1888) - Baron de Chésylvain.

"Confessions d'un poseur de lapins" commence par quelques généralités où l'auteur raconte ses débuts, les recommandations de son père en matière de femmes, ses erreurs après lesquelles il se jura de continuer à obtenir ses plaisirs mais sans dépenser un sou, et enfin, quelques exemples de ses méthodes. Et puis (c'est de loin la partie la plus longue), il nous offre un portrait, sorte d'analyse sociologique, de chacune de ses victimes. Et les noms ne sont pas des inventions, on y retrouve par exemple Delphine de Lizy (une des inspiratrices du roman de Zola), Léonie Closménil (dont parlera Marcel Proust), Henriette de Barras (actrice au théâtre de la Renaissance), Jeanne de Marsy (qui servit de modèle à Renoir ou encore Manet), et... 18 autres courtisanes plus ou moins connues.  

Des analyses dont il est difficile de mesurer l'authenticité mais qui semblent assez réalistes, et qui parfois ne manquent pas de piquant. Voici un exemple caractéristique de ce que l'on peut trouver dans ce livre : une courtisane endettée fait face à un huissier. Elle le charme d'abord, lui retire son pantalon, et s'enfuit de la chambre en l'enfermant. Elle lui fait du chantage, en lui promettant de le libérer s'il lui donne les factures impayées. Il refuse. Elle dit qu'elle va porter le pantalon à la police et dénoncer sa façon de "saisir" les femmes. L'huissier semble céder et donne à Thérèse le dossier avec les factures. Suite et fin pages 69-70 : 

Confessions d'un poseur de lapins (1888) - Baron de Chésylvain.
Confessions d'un poseur de lapins (1888) - Baron de Chésylvain.

L'auteur, dans son livre, fait aussi de nombreuses allusions à la vie de l'époque, notamment les moeurs, le journalisme, la vie théâtrale, culturelle en général. Ici, il nous parle des magasins Le Printemps, nés quelques vingt années à peine auparavant, et pas pour n'en dire que du bien (page 105) :

Confessions d'un poseur de lapins (1888) - Baron de Chésylvain.

Qui était donc ce baron de Chésylvain, un vrai baron ou un imposteur ? Le catalogue général de la BnF le qualifie d'"auteur supposé", et mes recherches généalogiques (rapides, sur internet exclusivement) sont restées sur leur faim. Son livre a été édité par l'"Union des bibliophiles", en était-il un ? Cette société (ou maison d'édition) semblait spécialisée dans les textes décadents. Qu'importe, laissons nous berner s'il le faut, car une vraie personne dans tous les cas a écrit cet ouvrage, un seul livre sans doute, assez piquant pour nous faire passer un bon moment. Recommençons, revenons-en au début, et lisons donc cet auteur mystérieux (page 5) :

Confessions d'un poseur de lapins (1888) - Baron de Chésylvain.
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