Ce que j'appelle un "livre-promenade"* vient d'être édité aux éditions Grasset ! Dans la lignée bien sûr des "Mélanges tirés d'une petite bibliothèque" de Charles Nodier, mais aussi du "Catalogue des livres composant la bibliothèque poétique" de Louis-Emmanuel-Nicolas Viollet-Le-Duc, de l'"Analectabiblion" du marquis de la Roure, ou plus récemment d'"Une forêt cachée" d'Éric Dussert ou de "La Fictiothèque" de Jacques Geoffroy (résumés de livres imaginaires dans ce cas), entre autres, Gérard Oberlé nous offre ici : "Petite nécropole littéraire, propos menus et badins sur quelques livres et auteurs tirés des oubliettes".
Gérard Oberlé, libraire, expert en livres anciens, bibliophile, bibliographe, écrivain et fin gourmet né en 1945 n'en est pas à son coup d'essai, il a déjà publié des ouvrages bibliographiques sur les poètes néo-latins (que je possède depuis quelques années), sur les fous littéraires, la littérature de colportage ou encore sur le vin et la cuisine ; livres déjà truculents, mais ici il se laisse aller à plus de liberté encore dans le style et le choix des ouvrages traités (tous toutefois issus de sa collection personnelle), et c'est un plaisir de lecture à chaque page, destiné à tous les amateurs de curiosités littéraires.
Gérard Oberlé est un personnage : d'abord prof de latin, il abandonne très vite l'enseignement après avoir envoyé le contenu d'un encrier au visage d'un inspecteur d'académie ; ensuite, après avoir répondu à une petite annonce il entre dans le milieu des livres anciens, ouvre rapidement sa propre librairie (parmi ses clients, par exemple, les bibliophiles François Mitterrand et Fidel Castro), devient un expert ; en 1976 il quitte Paris et s'installe avec sa librairie dans le Morvan, au manoir de Pron, afin de pouvoir avoir la liberté de "pisser dans l'herbe". Juste avant l'an 2000, il devient "un peu par hasard" écrivain de romans et nouvelles (publié au Cherche-Midi, puis chez Grasset). Il fut l'un des meilleurs amis du grand écrivain américain Jim Harrison avec qui il partageait entre autres choses l'amour des livres, de la gastronomie, du bon vin, des chiens, de la pêche, etc. N'hésitez pas à taper "Gérard Oberlé" dans votre moteur de recherche pour en apprendre davantage sur l'homme et son oeuvre prolifique.
Voici la présentation de cette "Petite nécropole littéraire" publiée par Grasset :
"Une centaine de chroniques instructives et surprenantes, écrites dans la langue savoureuse qu'on connaît à l'auteur, constituent un volume où le plaisir de lecture est constant. Il s'agit de chroniques parues de 2010 à 2021, dans Lire, devenue Lire-Magazine littéraire. Chacune d'entre elles évoque un ouvrage de la collection de l'auteur, choisi pour l'étrangeté de son sujet et souvent la biographie singulière de son auteur, les deux allant volontiers ensemble. Un livre très oberléen, comme on peut s'y attendre, d'une bibliophilie souriante, d'une érudition à la fois précise et bon enfant. Les ouvrages recensés sont des curiosités au sens large, sans être des curiosa, sauf exceptions. Ainsi, au fil des chroniques, de thème en thème, on passe de la recension d'un essai paru en 1800 sur Les combustions humaines produites par un long abus des liqueurs spiritueuses, phénomène sur lequel sont revenus en leur temps Dickens et Zola, à un roman de Ducos du Hauron, Les noces de Poutamouphis, publié par Poulet-Malassis en 1861 et racontant le mariage à Paris d'une momie égyptienne. Ailleurs, il est question d'orbilianisme, c'est à dire de la "médecine spirituelle" administrée jadis chez les jésuites par des fouetteurs spécialisés. L'ouvrage, anonyme, est de 1763 à Genève. Ailleurs encore, on croise un précurseur de Goethe, auteur des Aventures du docteur Faust et sa descente aux Enfers, Frédéric Maximilien von Klinger, qui fut aussi le dramaturge de Sturm und Drang …qui donna son titre au mouvement romantique allemand".
Je ne me permettrai pas d'ajouter grand-chose, si ce n'est la quatrième de couverture, qui montre au passage à quel point Oberlé se place dans la lignée de Charles Nodier et des bibliophiles du XIXème siècle, lignée dans laquelle nous ne pouvons que nous reconnaître : Je me suis replié dans ma bibliothèque, à l'abri des tracas du quotidien et des fracas de notre époque de plomb, auprès de ceux que je considère comme des amis, souvent plus proches que ceux de la société des vivants. C'est chez Messieurs les livres de mes rayonnages que j'ai déniché les titres qui ont inspiré cette centaine de chroniques. Les traités singuliers, les plumes excentriques, les livrets de colportage, les poètes néo-latins, les libertins du XVIIe et les pornographes du XVIIIe, les poètes mystiques baroques, les fous littéraires, les livres d'emblèmes, d'énigmes, de beautés arbitraires, les bizarres, les farceurs, les autodidactes, les romanciers populaires du XIXe, les fantaisies typographiques... Pour l'édification de cette petite nécropole, j'ai beaucoup pioché dans ces parages : le tombeau d'Onan, le prépuce du Christ, Grobianus, Zombi sont quelques-unes des bonnes pioches de mes flâneries funambulesques dans ma bibliothèque.
Maintenant pardonnez-moi, je retourne illico presto à ce livre-promenade qui j'espère contribuera à populariser un genre qui en ce qui me concerne fait déjà mon bonheur quotidiennement depuis des années.
(* Livre-promenade : genre patrimonial, destiné aux amateurs de curiosités littéraires, qui permet de flâner, de papillonner dans le monde de la Bibliothèque, de découvrir des livres oubliés tout en se divertissant beaucoup et sans avoir à les lire vraiment)
"Petite nécropole littéraire", Gérard Oberlé
Une centaine de chroniques instructives et surprenantes, écrites dans la langue savoureuse qu'on connaît à l'auteur, constituent un volume où le plaisir de lecture est constant. Il s'agit de ...
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