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Le gallicanaute des naines brunes et noires

Le gallicanaute des naines brunes et noires

(Carnet de bord d'un gallicanaute bibliophile)


Mémoires d'une poule noire (1868) - Maurice Barr.

Publié par Jérôme Nodenot sur 24 Juin 2024, 09:46am

Catégories : #Insolites

C'est avec une certaine nostalgie que j'ai lu ces mémoires. J'ai eu l'impression de me replonger dans mon enfance et ma jeunesse, lorsque je "fréquentais" moi-même des poules dans la petite ferme de mes grands-parents paternels, à Miramont-d'Astarac dans le Gers. 

A vrai dire aucune des cocottes de cette époque n'était aussi intelligente que la Noiraude qui raconte ici sa vie ; mais je me souviens du vieux poulailler, de la basse-cour, et puis parfois elles circulaient librement partout autour de la maison ou vers le grand hangar qui abritait la paille, les silos de blé moissonné pendant l'été et Pompon le vieux tracteur. Je me souviens de la récolte avec ma grand-mère des oeufs parfois encore tout chauds. Des ribambelles de poussins aussi quelquefois qui suivaient leur mère poule qui les avait couvés. Des choses moins sympathiques aussi évidemment quand je voyais (de loin) mes grands-parents sacrifier une de ces poules pour le repas du dimanche, même si quelquefois c'était assez drôle de les voir avoir du mal à l'attraper et qu'ils se disputaient. 

Une particularité de cette petite ferme était que les coqs étaient généralement méchants avec nous (c'est peut-être le cas partout !). Je me souviens de Rousseau (car oui les coqs avaient des noms), parfois on discutait tranquilles et d'un coup l'un d'entre nous criait "attention voilà Rousseau !" ; et en effet Rousseau arrivait vers nous en courant, tête en avant et je peux vous assurer qu'il fallait déguerpir vite fait parce que sinon il nous sautait littéralement dessus. Pareil pour Hector, qui lui n'était pourtant qu'un coq de petite taille, il régnait sur des petites poules que l'on appelait quéquets (je ne garantis pas l'orthographe), il nous faisait fuir lui aussi. 

Dans "Mémoires d'une poule noire" j'ai retrouvé un peu cette ambiance de mon enfance, malgré la différence d'époque et de lieu (là nous sommes au XIXe siècle en Normandie) la vie d'une basse-cour traditionnelle ne change pas vraiment. 

Elle en a des choses à raconter, cette poule ! Faut dire qu'elle n'a pas vécu qu'à la ferme, elle a aussi voyagé et été en prise à de nombreux dangers. Lorsque le livre commence, elle se repose et finit ses jours tranquillement dans une nouvelle ferme normande. Voyant ses petits amis humains lire un livre qui s'appelle "Mémoires d'un âne", elle se dit qu'après tout si un âne a pu le faire elle peut bien y arriver aussi (page 4) :  

Mémoires d'une poule noire (1868) - Maurice Barr.

Elle a donc pris sa plus belle plume pour narrer ses aventures de poule, changeant plusieurs fois de propriétaires, avec toujours autour d'elle des personnes bien ou mal intentionnées mais avec tout de même un fil rouge relationnel : deux enfants connus dès le départ et qui par un hasard assez extraordinaire resteront à ses côtés presque d'un bout à l'autre (avec au milieu une longue traversée du désert pour notre Noiraude, la partie la plus dangereuse de sa vie). 

Je ne résumerai pas tout ici, le livre est agréable du début à la fin et admettons-le : on s'attache énormément à cette poule, on oublie vite l'invraisemblance de son intelligence, on est heureux avec elle, on tremble avec elle, on ressent le monde à travers ses yeux de poule.

Je m'attarderai surtout sur la partie "fermière" qui m'a le plus intéressé, le voyage en bateau est tout aussi agréable mais je m'y suis moins identifié.  

La Noiraude est une bonne pondeuse malgré sa corpulence laide et maigrichonne. Un jour elle découvre ce que deviennent ses oeufs (pages 12-13) :  

Mémoires d'une poule noire (1868) - Maurice Barr.
Mémoires d'une poule noire (1868) - Maurice Barr.

C'est aussi une bonne couveuse, un jour elle donne vie à une ribambelle de poussins, dont trois sont étranges et ont des particularités que notre poule ne comprend pas jusqu'à ce que... (pages 34-35) : 

Mémoires d'une poule noire (1868) - Maurice Barr.
Mémoires d'une poule noire (1868) - Maurice Barr.

Un incendie tragique fait qu'à un moment de sa vie sa première famille humaine (et notamment les deux petits garçons qu'elle chérit tant) doit quitter la ferme qui est rachetée par une autre, avec des personnes beaucoup moins sympathiques. Elle est par exemple utilisée comme jouet (page 115) :  

Mémoires d'une poule noire (1868) - Maurice Barr.

Notre héroïne se vengera en détruisant une paire de bas, elle devient méchante et la propriétaire décide de la vendre au marché en même temps qu'une autre poule plus grasse et appétissante celle-là. C'est alors que la partie la plus dangereuse pour la Noiraude commence. Avec sa camarade elles comprennent qu'elles vont finir en poule au pot ! Cette situation va les faire réfléchir pour ne pas dire philosopher sur leur condition de poule, et ensuite la Noiraude verra son amie mourir sous ses yeux (pages 129-130) : 

Mémoires d'une poule noire (1868) - Maurice Barr.
Mémoires d'une poule noire (1868) - Maurice Barr.

La Noiraude parvient à s'enfuir et, après avoir évité de peu un autre péril (un chat sur un toit qui a failli l'attraper), elle est recueillie par un jeune mousse qui s'apprête à embarquer sur un bateau. Il la prend avec lui et là, surprise, elle retrouve les deux petits garçons qui sont en réalité les neveux du capitaine qui les a adoptés après la mort de leur père (leur mère était déjà décédée depuis longtemps). 

Les aventures de la poule ne sont pas terminées pour autant, elle voyagera sur ce bateau, accostera sur des îles, fera naufrage... et puis, finalement, retournera en Normandie où le capitaine lassé de son métier achètera lui aussi une ferme où la Noiraude, aux côtés de ses petits amis, pourra finir ses jours tranquillement... et écrire ses mémoires.

Maurice Barr a écrit une quarantaine d'ouvrages pour la jeunesse.

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