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Le gallicanaute des naines brunes et noires

Le gallicanaute des naines brunes et noires

(Carnet de bord d'un gallicanaute bibliophile)


Trois mois sous la neige (1881) - Jacques Porchat.

Publié par Jérôme Nodenot sur 25 Novembre 2024, 19:18pm

Catégories : #Naines noires

Voici un ouvrage publié à l'origine en 1849 par un auteur suisse, qui a obtenu le prix Montyon décerné aux ouvrages "les plus utiles aux moeurs" par l'Académie française et qui a connu beaucoup de succès avec de nombreuses rééditions. Il est vrai qu'en dépit d'une dimension religieuse un peu trop présente à mon goût, vivre enfermé avec les deux héros de cette histoire dans un chalet du Jura englouti sous la neige avec juste une cheminée qui dépasse pour se chauffer et fournir de l'air, une chèvre pour le lait, quelques rares victuailles, une horloge et une grande partie de la journée passée dans le noir complet pour limiter l'utilisation de l'huile, c'est assez formateur quand le sujet est bien traité (et il l'est).

(Jean-)Jacques Porchat a enseigné le droit, puis la littérature latine en Suisse puis à Paris, il a connu un vrai succès littéraire avec ses Poésies vaudoises et des livres pour la jeunesse. Il a été aussi le traducteur de l'intégralité des oeuvres de Goethe en français. 

Trois mois sous la neige porte comme sous-titre : journal d'un jeune habitant du Jura, et en effet le livre est écrit sous la forme d'un journal que l'auteur prétend avoir simplement "recueilli". Le héros s'appelle Louis, c'est un jeune garçon.

Voici le contexte de départ (dans la préface) :   

 

Trois mois sous la neige (1881) - Jacques Porchat.

Le père de Louis fait partie de ces bergers. Au moment de la Saint-Denis, au pied de l'hiver, ces solitaires redescendent de leur montagne avec leurs bêtes. Mais cette année-là, le père de Louis est très en retard, le froid et la neige commencent à arriver et le grand-père de Louis décide d'aller le chercher : Louis l'accompagne. Ils arrivent au chalet, le père va bien (il lui restait de l'herbe et il a voulu que son bétail en profite le plus possible) mais le grand-père se fait une entorse et impossible pour lui de risquer la descente avec la neige qui tombe : il restera là avec son petit-fils pendant que le père descend avec les animaux (il ne leur laisse qu'une chèvre) et remontera les chercher très vite. Ce qu'ils n'avaient pas prévu, c'est l'intensité des chutes de neige, le père lui-même prend sans doute beaucoup de risques à partir et très vite au fil des jours Louis et son grand-père vont se demander si lui et ses bêtes ont survécus. 

Mais ils en ont bien assez à s'occuper de leur propre sort, surtout quand ils comprennent le lendemain matin que leur chalet est enseveli sous la neige (page 11) :

Trois mois sous la neige (1881) - Jacques Porchat.

Très vite nos deux prisonniers s'organisent mais déchantent rapidement quand ils font le point sur la nourriture dont ils disposent (page 24) :

Trois mois sous la neige (1881) - Jacques Porchat.

Finalement c'est Blanchette, la chèvre, qui les nourrira le plus de son lait avec lequel de temps en temps ils arrivent à faire du fromage qu'ils gardent précautionneusement pour les grands jours ou pour quand le grand-père flanche physiquement.

La lumière est l'autre grand problème et la solution est radicale (pages 32-33) :

Trois mois sous la neige (1881) - Jacques Porchat.
Trois mois sous la neige (1881) - Jacques Porchat.

Enfin, et on les comprend, l'ennui est leur ennemi quotidien. Au début quelques aménagements comme réparer la trappe de la cheminée ou une tentative (en vain) de déblayage de la neige les ont occupés, mais ensuite comment faire quand on n'a rien et que l'on passe la majorité du jour dans l'obscurité la plus totale ? 

Heureusement le grand-père est cultivé et apprend beaucoup de choses à son petit-fils, dans tous les domaines ; en outre, ils trouvent un livre bienvenu selon eux : L'imitation de Jésus-Christ, qui les réconfortera bien souvent. Je précise que, si la foi joue un rôle important dans ce livre, il ne fait pas partie de ces ouvrages écrits spécialement pour les écoles cathos où la dimension religieuse devient lourdingue, ici nous avons affaire simplement à deux personnes de l'époque que leur croyance soutient.

Le jeune garçon apprend à tresser la paille, mais il aimerait tant avoir les matériaux et le savoir-faire que possèdent nombre de bergers jurassiens (page 75) :  

Trois mois sous la neige (1881) - Jacques Porchat.

Impossible de tout résumer, Louis et son grand-père trouvent le moyen d'améliorer un peu leur existence, par exemple en trouvant du vin enterré ou bien en laissant Blanchette venir vivre avec eux près de la cheminée. Maintes petites choses qui semblent très réalistes et l'on croirait presque Jacques Porchat quand il nous suggère l'idée que c'est une histoire vraie.

Mais malgré tout, le temps passe dans des conditions sanitaires très limites, l'air, bien qu'il soit renouvelé par la cheminée n'est sans doute pas assez oxygéné. L'angoisse se fait de plus en plus obsédante, pourquoi ne vient-on pas les chercher ? Les conditions climatiques sans doute, mais le père a-t-il réussi à descendre, n'est-il pas tout bonnement mort lui aussi ? 

Peu à peu le grand-père décline, et finalement, après avoir prévenu, rassuré et motivé son petit-fils, il meurt. En sus de la douleur, Louis doit s'occuper du corps et déjà se familiariser avec le cadavre (pages 102-103) :     

Trois mois sous la neige (1881) - Jacques Porchat.
Trois mois sous la neige (1881) - Jacques Porchat.

Il ensevelira son grand-père, en attendant mieux, dans l'étable qui est une partie du chalet, et inscrira ceci au cas où lui aussi devrait mourir dans cette prison (page 110) :

Trois mois sous la neige (1881) - Jacques Porchat.

Blanchette donne de moins en moins de lait, Louis pense à un moment devoir la sacrifier pour se nourrir mais il n'arrive pas à s'y résoudre. 

Un léger redoux extérieur le décide enfin à tenter sa chance : il va se fabriquer un traîneau (sorte de luge que Louis a l'habitude de conduire), y attacher Blanchette et tous deux vont tenter le tout pour le tout et redescendre ainsi dans la vallée. Mais à peine commence-t-il à mettre le nez dehors qu'il aperçoit son père et plusieurs villageois qui, profitant eux aussi du redoux sont parvenus à rejoindre le chalet. Louis est sauvé après cette expérience à la fois tragique et formatrice.  

Trois mois sous la neige (1881) - Jacques Porchat.
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