"La lettre A n'est pas une seule fois employée dans tout le récit de ce volume", tel est le sous-titre de cet ouvrage qui en effet est bien lipogrammatique. Georges Perec, célèbre auteur évidemment de "La disparition" (un roman de 300 pages en langue française dans lequel la lettre "e" n'apparaît pas une seule fois, le monde entier a salué la performance) qualifie de "malingre" le texte (beaucoup plus court il est vrai) de Jacques Arago. Toutefois ce dernier avait une contrainte supplémentaire : il devait résumer sans la lettre "a" un ouvrage déjà écrit par lui auparavant qui racontait son véritable voyage autour du monde. Car oui, il s'agit bien de Jacques Arago le dessinateur-voyageur-explorateur auteur de : "Voyage autour du monde : souvenirs d'un aveugle", que l'on peut aussi découvrir sur Gallica ici : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6526526s.r=jacques%20arago?rk=107296;4
Il s'agissait d'un pari que Jacques Arago avait tenu auprès d'une dame de sa connaissance qui lui avait lancé ce défi, c'est donc un simple jeu sans conséquence auquel il s'est livré pendant une semaine pour aboutir à ce très court résumé de son livre de souvenirs, mais assez amusant et informatif sur l'essentiel.
Pour en savoir plus sur Jacques Arago (1790-1854) on peut se tourner vers Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Arago
Mine de rien ce petit exercice de style aura connu au moins une réédition (celle que nous avons sous les yeux), l'original ayant été publié en 1853.
N'en déplaise à Perec (que j'adore par ailleurs) je trouve Arago assez à l'aise avec sa contrainte (pages 3-4) :
Évidemment il râle souvent de ne pas pouvoir nommer des éléments importants de son voyage, à commencer par le bateau qui le transporte (pages 4-5) :
C'est pour cette raison qu'à la fin de l'ouvrage ces informations sont répertoriées sous forme de notes.
Voici un autre extrait, qui décrit bien sans un seul "a" une effroyable tempête (pages 15-16) :
Souvent on oublie la contrainte et l'on se prend à réfléchir, comme ici dans cet extrait politique qui fustige le protectionnisme chinois de cette époque (page 28) :
Pour finir ce court récit Arago exprime son besoin de courir le monde et de voyager, ce qu'il fera effectivement toute sa vie et bien qu'il soit devenu aveugle en 1837. Il mourra au Brésil un an après l'écriture de ce petit livre.