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Le gallicanaute des naines brunes et noires

Le gallicanaute des naines brunes et noires

(Carnet de bord d'un gallicanaute bibliophile)


Pommes d'Eve : douze contes en chemise (1884) - Une jolie fille.

Publié par Jérôme Nodenot sur 24 Avril 2025, 10:56am

Catégories : #Insolites

Un petit livre grivois tout en légèreté, et bien écrit dans un style entre ellipse et concision. Les illustrations de Joseph Roy (remarqué notamment pour son travail sur une édition des "Lettres de mon moulin") sont soignées et ajoutent quelque chose à cet érotisme très "soft". L'ouvrage, chez l'éditeur Ed. Monnier, fait partie de la collection coquine des "Éditions Joyeuses".

Mais quelle est donc cette "jolie fille" qui aurait apparemment écrit ces douze contes ? L'auteur de la préface nous donne des renseignements sans jamais bien sûr révéler son nom : il s'agirait, en résumé, d'une fille de la campagne venue à Paris et qui aurait fait son chemin dans le milieu des artistes (on se doute comment) jusqu'à en savoir beaucoup sur les uns et les autres. Le préfacier nous dit notamment : "ayant beaucoup aimé et beaucoup comparé, elle prétend même qu'à huis clos les vaudevillistes ont la gaîté triste, tandis que les dramaturges ont la tristesse gaie". A la fin de la préface on croit pouvoir enfin avoir son nom, mais non :     

Pommes d'Eve : douze contes en chemise (1884) - Une jolie fille.
Pommes d'Eve : douze contes en chemise (1884) - Une jolie fille.

Toutefois le lecteur perspicace n'est pas dupe, évidemment, et nous savons bien que cette "jolie fille" n'existe pas, l'auteur de la préface n'est autre que le véritable auteur aussi des douze contes. Mais qui est-il donc ? Un bouquiniste, sur le site "Livre rare book", propose le livre à la vente (90 euros, avis aux amateurs) et le présente en disant que selon le bibliographe Vicaire il s'agirait de l'éditeur lui-même (Édouard Monnier), mais que d'autres sources parlent de Georges de Porto-Riche. Si l'on va voir la biographie de ce dernier sur Wikipédia, en effet, "Pommes d'Eve" est considéré comme faisant partie de sa bibliographie. De notre côté nous allons opter pour cette hypothèse, quand on sait qu'il était un dramaturge considéré à l'époque comme l'inventeur du "théâtre d'amour", séducteur et fin connaisseur de la psychologie amoureuse. Il aurait donc écrit ce livre juste avant de rencontrer le succès avec des pièces de théâtre comme "La chance de Françoise", "L'infidèle" ou "Amoureuse" (entre autres).  

"Pommes d'Eve" contient donc douze contes en 106 pages très aérées, tout aussi légères que le style : le livre se lit agréablement et l'originalité est plutôt au rendez-vous ; l'érotisme, je l'ai déjà dit, est très "soft", le lecteur est plus amusé qu'autre chose. 

Dans "Le Parce que d'un Pourquoi", le narrateur, à un repas, refuse de manger du fromage et il explique aux autres convives d'où lui vient cette aversion viscérale pour cette catégorie d'aliments : lorsqu'il était adolescent, lui et sa cousine étaient amoureux ; bien évidemment ils ne se bécotaient qu'en cachette... jusqu'à ce moment fatidique (page 25) :

Pommes d'Eve : douze contes en chemise (1884) - Une jolie fille.

Dans "Le crime de l'hôtel du Lion d'Or", le maître d'hôtel écrit en urgence un courrier au procureur : il soupçonne qu'un crime ait été commis dans son établissement. Un jeune couple en apparence très amoureux est arrivé un soir, a loué une chambre ; le lendemain ils sont partis précipitamment tandis que tout le monde dormait, en laissant un paiement. Une femme ayant loué la chambre d'à côté affirme avoir entendu dans la nuit des rires puis des bruits étranges provenant de la chambre du couple, et le maître d'hôtel a remarqué des affaires oubliées et une chemise tâchée de sang. Le procureur arrive ainsi qu'un médecin légiste, l'enquête est menée, le verdict est sans appel et... un peu glauque (page 44) :   

Pommes d'Eve : douze contes en chemise (1884) - Une jolie fille.

Dans "L'oiseau de Juliette", un homme voit une belle jeune femme rêver devant un colibri ; après lui avoir inspiré confiance (et sans doute à juste titre), il achète l'oiseau à cette jeune personne en échange de la possibilité pour lui de venir le voir de temps en temps (pages 68-69) :

Pommes d'Eve : douze contes en chemise (1884) - Une jolie fille.
Pommes d'Eve : douze contes en chemise (1884) - Une jolie fille.

Neuf mois après cette envolée naissait un petit enfant et les deux tourtereaux se marièrent.

Dans "A Deauville", deux amis d'enfance se baignent ensemble dans la Manche ; ils ont pris deux cabines côte à côte pour se changer. Au moment de se rhabiller chacun rentre dans une cabine et jette sa tenue de bain à l'extérieur afin de ne pas mouiller les vêtements secs qu'ils vont mettre. Hélas, trois fois hélas, ils se rendent compte qu'ils se sont trompés de cabine, lui dans celle de son amie et vice versa. Ils sont tous les deux nus sans pouvoir récupérer leur tenue de bain qui est à l'extérieur. Ils ont d'abord l'idée de s'habiller elle avec ses habits à lui et lui avec ses habits à elle, mais bien sûr c'est impossible ; alors lui a l'idée d'enlever la cloison qu'il y a entre les deux cabines, et c'est ce qu'ils font en se jurant de fermer les yeux le temps de l'échange ; enfin il remet comme il peut quelques planches entre eux afin de pouvoir se changer chacun de son côté. La jeune femme a décidément du mal à lacer son corsage (page 105) :   

Pommes d'Eve : douze contes en chemise (1884) - Une jolie fille.
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