La désinfluenza (1890) - Anonyme.

Quel livre choisir qui serait le cent-vingtième de ma collection depuis que j'ai commencé à chiner dans Gallica pour me constituer cette bien curieuse bibliothèque numérique ? J'ai décidé de me répondre à moi-même : un livre purement récréatif, sans grande importance patrimoniale, juste pour me faire plaisir. 

Il m'est arrivé assez souvent de lire dans Gallica ce que l'on appelle des fous littéraires, mais celui dont il va s'agir ici a vraiment gagné le pompon. D'habitude, un fou littéraire est un illuminé, un excentrique, qui nous livre son message émanant directement de Dieu, ou bien le récit réel de ses voyages intersidéraux, ou bien encore (très souvent) c'est un voyant ou prophète qui va nous révéler l'avenir. Dans leur folie, il y a en général un message, un contenu, la révélation d'une vérité certes inepte mais compréhensible. Ici rien de tout cela, mais une sorte de charabia, de blabla (seulement huit pages heureusement) au cours duquel l'auteur (qui est resté anonyme) semble droit dans ses bottes, suivre vraiment le fil de ses pensées, et ce sont les lecteurs, certainement, qui sont incapables de le comprendre, allez savoir.

Ce texte n'a pas vraiment de sujet (à moins qu'il ne m'ait échappé), pourtant au départ on espère en retirer quelque chose de capital :

Un peu plus loin, très vite, l'auteur, pour notre plus grand plaisir, nous fait comprendre que sa philosophie est fondée sur le bon sens :

Jusque ici tout va bien, et la suite, bien que légèrement évidente et sans être vraiment révolutionnaire, fait encore indéniablement preuve de logique :

Pour ne pas attraper froid et se "désinfluenzer" (rappelons ici que l'influenza est un autre nom pour désigner la grippe) il faut donc se couvrir, on est bien d'accord. On pourrait se dire que l'auteur commence avec ces petits conseils santé pour démontrer en effet son bon sens, avant de passer aux choses sérieuses. Le texte a été publié en 1890, mais il prétend qu'il a été écrit en 1838, pour nous faire comprendre qu'avec le recul nous aurions affaire en réalité à une prophétie qui se serait réalisée entre temps :

Et c'est à partir de là que les choses commencent à échapper au lecteur, nous attendons avec impatience une révélation suprême qui n'arrive jamais, n'ayant droit qu'à des passages qui sont à peu près tous de cet acabit :

Je me dis qu'il y a peut-être un rapport avec une question politique lorsque je lis ceci :

Mais enfin rien n'est moins sûr, et dans tous les cas je ne parviens pas à y apprendre quoi que ce soit. A un autre endroit, passant du coq à l'âne encore une fois, il nous donne un cours d'écriture poétique : 

J'ai cherché à voir s'il ne me serait pas possible de trouver des infos sur un certain Boulanger qui aurait éventuellement marqué un moment historique de cette époque (il aurait pu s'agir alors d'une allégorie voire d'une satire à propos de ce personnage) mais non, rien qui ait pu me sauter aux yeux. Nous n'apprendrons rien de ce texte, décidément, et pourtant, jusqu'au bout, notre auteur ayant préféré resté dans l'anonymat (craignait-il pour sa vie après de telles révélations ?) ne doute pas de la valeur intrinsèque de son chef-d'oeuvre :

En tous les cas, cher auteur anonyme, à défaut d'avoir trouvé place dans l'Histoire vous pourrez au moins vous vanter de vous être en être fait une dans le carnet de lecture d'un amateur de curiosités. 

La désinfluenza

La désinfluenza -- 1890 -- livre

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1159824r.image