Ce livre est-il colonialiste ? Bien évidemment. En 1883 les Français se sont emparés de cette région d'Indochine, et pendant quelques années après des militaires se sont succédés pour maintenir l'ordre et organiser les choses dans cet officiel "protectorat" qui ne veut pas dire son vrai nom. Mais ces militaires n'ont pas fait que guerroyer au Tonkin, ils y ont vécu aussi, et cette vie, Jean Léra nous la raconte, il nous la décrit avec un vrai talent littéraire.
Pour commencer, je souhaiterais rappeler, avec ici Armand Sylvestre, le préfacier, dont je partage le point de vue, quel a été mon état d'esprit à la lecture de ce texte :
Ce livre, en effet, représente avant tout le besoin d'un homme d'immortaliser les horreurs et les difficultés qu'il a connues au Tonkin, mais aussi le bonheur et les plaisirs qu'il y a rencontrés, comme l'amour, les saveurs, les parfums, les paysages. Il ne s'agit pas d'un livre politique, militaire, scientifique, mais simplement du précieux témoignage d'un officier qui a voulu rendre hommage aux êtres chers qu'il a laissés là-bas au Tonkin. Un document qui montre encore une fois l'importance de prendre la plume pour raconter son histoire, y compris s'il on est un amateur. Un livre impressionniste particulièrement immersif pour le lecteur.
Par exemple, des descriptions toujours très évocatrices (page 20) :
Un moment de calme, et une belle rencontre, la chienne Dên (page 37) :
Au Tonkin, Jean Léra va épouser une jeune fille indigène, Ty-Ba, avec laquelle il connaîtra le véritable amour. Il arrivait souvent durant la colonisation de l'Indochine que des occidentaux se marient avec ce que l'on appelait à l'époque une congaï. Ici, un extrait immortalisant l'entrée de Ty-Ba chez l'auteur (page 46) :
Des jours heureux se profilent ensuite pour l'officier et pour Ty-Ba. Mais les indépendantistes se révoltent souvent, à juste titre certainement, et les épidémies font rage. Léra connaîtra donc aussi la guerre, il assistera horrifié à l'exécution d'un "pirate". Dans ce passage il évoque l'héroïsme d'un militaire médecin qui se sacrifie pour aider des malades du choléra (page 122) :
Jean Léra, au Tonkin, aura connu, on le voit, le meilleur comme le pire. Il y restera quelques années puis devra rentrer en France afin de poursuivre sa carrière, laissant Ty-Ba et Dên dans leur pays, ce qui entraînera chez lui une grande nostalgie et le besoin d'écrire (page 129) :
Un vieux livre exotique, utile, et bien écrit.