Mémoires et révélations d'un valet de chambre aux cheveux roux (1864) - Maurice.

Publié par Jérôme Nodenot sur 1 Décembre 2022, 16:51pm

Nous connaissons tous "Poil de carotte", publié par Jules Renard en 1894. Ce que nous ignorons en revanche, c'est que trente ans plus tôt était paru un autre livre mettant en lumière la difficulté de vivre lorsqu'on a les cheveux roux : "Mémoires et révélations d'un valet de chambre aux cheveux roux", écrit par un certain Maurice. Il s'agit d'un petit roman dans lequel le narrateur raconte avec humour, voire ironie, sa vie de rouquin poursuivi par la scoumoune et l'humiliation. Derrière ce pseudonyme de "Maurice" se cache en réalité Alcide Dusolier, écrivain, journaliste, et surtout un homme politique (après 1870 et son poste de secrétaire de Léon Gambetta). Alcide Dusolier, n'ayant jamais vraiment existé en littérature, mérite donc largement d'être classé dans les "naines brunes".

"Mémoires et révélations d'un valet de chambre aux cheveux roux" n'a pas fait beaucoup parler de lui, y compris en 1864. Je n'ai trouvé pour ma part qu'un petit entrefilet peu flatteur dans la "Petite revue" ici : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57352638/f196.image.r=(prOx:%20%22valet%22%207%20%22roux%22)?rk=257512;0. Un détail toutefois dans cet article a attiré mon attention ; cette petite phrase parlant de ce livre qualifié ici péjorativement de "brochure" : "elle n'a, il faut le dire, aucun rapport avec l'affaire Armand". J'ai donc fait quelques recherches dans Gallica, et j'ai trouvé en effet une affaire qui avait fait beaucoup de bruit à l'époque : un valet, Maurice Roux, avait subit de la part de son patron Armand une tentative d'assassinat, et a porté l'affaire devant les tribunaux. Ce valet est devenu assez célèbre à l'époque, et le titre du roman de Dusolier joue habilement sur les mots-clés de cette affaire : roux, valet, Maurice, révélations... Pour résumer, Dusolier emploie ici un titre que l'on qualifierait aujourd'hui (à l'époque des contenus web) de "putaclic". Et le bougre n'en était pas à son coup d'essai puisque quelques années plus tôt il avait publié un livre de poésie intitulé : "Ceci n'est pas un livre".

Si en effet le roman en réalité n'a rien à voir avec l'affaire Armand, Maurice (l'histoire se présente comme une autobiographie) nous raconte sa vie pathétique avec une certaine verve et sans plus de lamentations. Sa naissance, le rejet de ses parents, son enfance près de chevaux mécaniques (gagne-pain de la famille), son métier de cireur de chaussures, puis de palefrenier, de valet (oui, il l'a bien été quand même pendant quelque temps), puis de mauvais garçon ; le tout toujours ponctué d'embrouilles ou d'humiliations.

Ici, nous comprenons que d'emblée la vie de Maurice ne sera pas un cadeau (pages 5-6) :

Mémoires et révélations d'un valet de chambre aux cheveux roux (1864) - Maurice.

Sa mère mourra très tôt dans le livre, puis juste derrière son père se débarrasse des chevaux mécaniques... et de Maurice (page 23) :

Alors qu'il est palefrenier (ou du moins nettoyeur de chevaux) Maurice tombe amoureux d'Hermosa, l'une des jeunes cavalières du haras. Mais elle ne le traitera jamais qu'avec mépris. Ensuite Maurice rencontre un riche anglais avec lequel il voyage et qui devient son meilleur ami. A leur retour en France, tous deux retrouvent par hasard Hermosa qui vit misérablement dans un petit cirque ambulant. Le lord anglais meilleur ami de Maurice tombe amoureux et Hermosa l'épouse : Maurice devient leur valet et est traité comme tel par Hermosa. Un jour elle lui donne à garder un singe, Alphonse, qui l'agresse violemment (page 53) :

Mais Maurice est accro à Hermosa. Un jour il retrouve les deux époux et tente de monter dans la chambre d'Hermosa par la façade de la maison. Il échoue et se questionne pour savoir s'il allait retenter l'expérience. C'est surtout l'occasion ici de se donner une idée du style du roman (page 94) :

Je vous laisse lire la suite de ce monologue page 94.

Ensuite, Hermosa se sépare de son mari ! Maurice a une idée lumineuse pour s'enrichir : il lui demande un peu d'argent pour aller aux Etats-Unis alors en guerre. Son oncle d'Amérique s'étant engagé du côté des fédéraux, lui-même, Maurice, va s'engager dans le camp des confédérés afin de pouvoir le tuer en toute impunité et toucher son héritage. Mais lorsqu'il arrive à New-York, Maurice apprend que son oncle est déjà mort et qu'il a laissé pour 8 millions de dettes ; Maurice étant son dernier descendant, il est emprisonné aux Etats-Unis pour payer les dettes de son oncle. C'est de là qu'il écrit ses mémoires, et qu'à la fin il fait appel à nous, ses lecteurs (page 116) :