Si Louise Michel a réussi à "positiver" sa déportation en Nouvelle-Calédonie, comme on l'a vu dans l'article précédent, d'autres bagnards n'ont eu qu'une seule obsession pendant leur terrible séjour : s'évader. Rochefort, Paschal Grousset, Pain, Charles Bastien, Achille Ballières et François Jourde ont fait mieux : ils ont réussi ! C'est unique dans l'histoire du bagne de Nouvelle-Calédonie. Manet en a même peint un tableau : L'évasion de Rochefort.
Grousset et Jourde, entre autres, ont rejoint l'Angleterre où ils ont vécu jusqu'à l'amnistie de 1880 qui les a autorisés à rentrer en France. Ce sont eux, qui, depuis l'Angleterre, ont écrit ce témoignage, publié en 1876. Ce sont deux personnalités de la Commune, Grousset étant en outre un écrivain prolifique (je vous invite à lire le billet écrit à son propos par Roger Musnik sur le blog Gallica).
Les deux hommes, avant de partir pour la Nouvelle-Calédonie, ont passé un an au Fort Boyard ; sans le Père Fouras et Passe-Partout... et sans écuelle ni couverts (pendant une semaine) ; sans couchage non plus (pendant un mois). En mai 1872, ils sont partis à bord de La Guerrière : un bateau avec quatre grandes cages contenant chacune 175 prisonniers. Le voyage dure entre cinq et six mois, dans des conditions déplorables et au rythme de brimades, avec pour finir de sérieux problèmes sanitaires (scorbut en particulier).
Les prisonniers, arrivés en Nouvelle-Calédonie, sont répartis en deux affectations : les "déportés simples" sur l'île des Pins, assez "libres", et les déportés en enceinte fortifiée sur la presqu'île de Ducos.
Les auteurs de ce petit livre affirment être objectifs et ne raconter que la vérité :
Pourquoi ai-je eu envie de lire ce récit souvent épouvantable de deux évadés du bagne de Nouvelle-Calédonie ? Je l'avoue, pour retrouver un peu l'ambiance d'un film qui a marqué mon enfance : Papillon, avec Steve MacQueen et Dustin Hoffman, qui se passe, lui, au bagne de Guyane. Film tiré d'ailleurs d'un livre écrit par un Français, si je ne me trompe pas. Et il est vrai que ce petit livre a souvent rencontré mes souvenirs cinématographiques : les conditions de vie déplorables, les brimades, l'exotisme... mais ici s'ajoute une dimension politique bien sûr, et plus de détails réels sur la vie des bagnards.
Les "Pétroleuses" sont évoquées de temps à autre, comme ici :
Les épouses de bagnards ont parfois rejoint leur mari, espérant une vie merveilleuse en venant s'installer en Nouvelle-Calédonie. Elles ont vite déchanté, mais n'ont rien fui pour autant :
Le bagne existe dans un contexte colonial, et les autochtones n'échappent pas aux répressions du gouvernement. Grousset et Jourde évoquent à plusieurs reprises les conditions de vie des Kanaks, qui font les frais, selon les auteurs, des ambitions de certains militaires de la colonie :
L'emprise religieuse sur les Kanaks semble aussi assez méprisable :
Sur l'île des Pins tous les détails prennent une grande importance, et le plus basique des conforts peut manquer, au point de jouer avec la santé des prisonniers :
Et au bagne, dans l'enceinte fortifiée, c'est encore pire évidemment :
Une fois installés en Angleterre, après leur évasion (je donne ci-dessous un lien pour en savoir plus sur cette aventure), Grousset et Jourde feront partie de ceux qui plaideront contre le bagne de Nouvelle-Calédonie, surtout pour les Communards qui sont mêlés là-bas aux pires criminels. Le livre se termine en répertoriant certains articles publiés dans des journaux anglais, qui élargissent le sujet en posant la question de l'utilité et la morale de ces bagnes. Je retiendrai par exemple cette phrase simple et pleine de bon sens, en guise de conclusion :
Romanciers populaires du XIXe : Paschal Grousset, dit aussi André Laurie (1844-1909)
Les naufragés de l'espace par André Laurie Un tunnel transatlantique ( De New-York à Brest en 7 heures), la vie étudiante (Le Tour du monde d'un bachelier ), le portrait de différents peuples ...